Depuis l’élection du 22 février, Agbéyomé Kodjo se présentait comme « le président démocratiquement élu de la République togolaise », balayant les résultats définitifs de la Cour constitutionnelle, grossièrement truqués selon l’Opposition, qui le créditaient de seulement 19% des suffrages contre 71% pour le chef de l’État sortant, Faure Gnassingbé. Discours officiels sous le drapeau du Togo, nomination d’un Premier ministre, d’un ministre des Affaires étrangères, publication de décrets avec en-tête le symbole de la République…
Pendant 2 mois, Agbéyomé Kodjo a poussé le jeu de rôle à fond. La mascarade ne pouvait pas durer, a estimé l’autre président – le vrai –, celui qui tient le Togo depuis qu’il s’est assis dans le fauteuil de son père, en 2005.
Ce mardi, à 9 heures, les gendarmes ont défoncé le portail de sa résidence pour faire cesser la « comédie ». Depuis la veille au soir, les forces de sécurité avaient bouclé son quartier, Forever, dans le centre de Lomé, et des blindés légers avaient pris position autour de la maison. Lors de l’opération, l’archevêque émérite de Lomé, Monseigneur Kpodzro, premier soutien d’Agbéyomé Kodjo, aurait été « bousculé » et serait « tombé en syncope », selon un porte-parole du parti. « Le prélat n’a jamais été touché », affirme au contraire un responsable gouvernemental. L’influent religieux, âgé de 90 ans, est l’un des défenseurs les plus acharnés du candidat malheureux. Il vivait depuis plusieurs semaines à son domicile : « Il ne bougera pas sans moi, à moins qu’ils passent sur mon cadavre », avait-il menacé.
Pour la troisième fois, la veille, Agbéyomé Kodjo avait été convoqué pour une audition par le procureur de la République. « Ultime invitation », avait cette fois surligné l’expéditeur. Par le passé, le candidat déclaré perdant avait refusé de se déplacer en prétextant des « problèmes de santé ». Son immunité parlementaire a été levée le 16 mars par un vote de l’Assemblée nationale, mais ses avocats ont introduit un recours devant la justice, qu’ils espéraient suspensif. En vain. Ce mardi, le challenger du président Faure a été conduit au Service central de recherches et d’investigations criminelles, en attendant d’être présenté au procureur, pour qui « ses propos et agissements » relèvent « des qualifications de troubles aggravés à l’ordre public et d’atteinte à la sécurité intérieure de l’État ».
En dépit de « l’appel au secours » lancé par Mgr Kpodzro dans la nuit sur les réseaux sociaux, aucun rassemblement n’a été signalé mardi à Lomé. Quant au reste de l’Opposition « historique », régulièrement étrillée par le camp Kodjo, elle est restée également silencieuse.
CÉLIAN MACÉ, pour liberation.fr