Les autorités de l’État de Jigawa, dans le Nord du Nigéria, ont annoncé enquêter, mercredi 6 mai, sur des dizaines de décès survenus dans cette région très pauvre. Quelques jours plus tôt, l’État voisin de Kano avait, quant à lui, attribué au coronavirus plusieurs dizaines de « morts mystérieuses ». Les médias du deuxième État le plus peuplé du pays avaient été les premiers à donner l’alerte, fin avril, en constatant l’augmentation du nombre d’enterrements. Il aura fallu plusieurs jours d’enquête aux autorités sanitaires pour annoncer, dimanche 3 mai, la cause de cette surmortalité.
Selon les premiers résultats de l’enquête, la plupart des morts enregistrés dernièrement sont dus au coronavirus, a ainsi déclaré Nasiru Sani Gwarzo, à la tête de l’équipe médicale spécialisée coronavirus pour Kano. « Bien que les décès aient été attribués initialement à d’autres maladies, nous pouvons dire désormais que la cause principale de l’explosion de morts à Kano est due au coronavirus », a-t-il indiqué.
Les résultats définitifs de l’enquête ne sont pas encore prêts, mais le gouverneur de l’État de Kano, Abdullahi Ganduje a d’ores et déjà prévenu les 12 millions d’habitants de l’État que Kano a de sérieux problèmes. « Nous avons commencé cette crise sur un mauvais pied », a-t-il ajouté, faisant référence à la fermeture du laboratoire spécialisé, fermé pendant plusieurs jours après la contamination de l’un des employés.
Fin avril, les médias locaux ont révélé une très forte augmentation du nombre d’enterrements dans les 68 cimetières de Kano. Un employé d’un cimetière de cette grande ville musulmane a confié à l’AFP enterrer « parfois des dizaines de corps par jour ».
Vendredi 1er mai, dans une interview à l’AFP, le directeur de la « task force Covid-19 » avait qualifié ces morts de « dommages collatéraux de la guerre », attribuant les décès à d’autres maladies comme le paludisme, l’hypertension ou la fièvre typhoïde alors que les pharmacies et la majorité des hôpitaux de la ville ont fermé leurs portes.
Capacités de dépistage très faibles
Mais face à une forte augmentation des décès, notamment de personnalités de haut rang (professeurs d’université, chefs traditionnels…), les autorités ont mené une enquête sur ces « morts mystérieuses » et ont réalisé des « autopsies verbales », en interrogeant les familles des défunts. Dimanche 3 mai, un des 5 émirs traditionnels de l’État, Tafida Abubakar Ila II – une des plus grandes figures traditionnelles de la région – est mort à l’hôpital, montrant les symptômes associés au Covid-19.
Officiellement, le nombre de personnes infectées dans la ville dépasse à peine les 300 personnes, et 3 morts directement liés au Covid-19 ont été recensés. Mais les capacités de dépistage sont très faibles avec seulement 88 tests réalisés par jour, selon Nasiru Sani Gwarzo, qui promet qu’ils devraient s’élever à 300 : un chiffre toujours très faible dans un État de plus de 10 millions d’habitants.
Le gouvernement fédéral nigérian a décidé de procéder à un déconfinement progressif dans le reste du pays, mais de le maintenir strict à Kano. Dans cette ville musulmane très conservatrice et pauvre, le gouverneur Ganduje a cependant décidé d’assouplir le confinement quelques jours par semaine, malgré la situation sanitaire. Lundi 4 mai, les habitants se sont rendus en masse dans les marchés pour acheter des vivres en cette période du ramadan.
Ce lundi 11 mai, le pays le plus peuplé d’Afrique avec près de 200 millions d’habitants recensait 4.399 cas officiellement déclarés d’infection au coronavirus, dont 778 guérisons et 143 décès.
OSSÈNE OUATTARA