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jeudi 18 avril 2024
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Burkina Faso : La reprise des classes, un casse-tête

Quelques étudiants de Licence du centre universitaire de Gaoua ici en cours, ce lundi 11 mai 2020

Ce  devait être pour ce 11 mai, la reprise des cours pour les classes d’examen au Burkina. Hélas, c’est encore un rendez-vous manqué après ceux  du 14 et du 28 avril. Presque 2 mois après la fermeture précipitée des écoles, lycées, universités et centres de formation professionnelle, la reprise des activités académiques est, comme qui dirait, la ligne d’horizon : elle s’éloigne au fur et à mesure qu’on s’en approche.

Cette reprise des cours, après la réouverture des marchés et des mosquées, en attendant celle des autres lieux de culte, des bars, des restaurants et la levée totale du couvre-feu, aurait été un signal fort d’un retour à une vie normale au Burkina après près de 2 mois de confinement partiel pour endiguer la propagation du coronavirus. En cela, le pays voulait s’inscrire dans la tendance mondiale d’une reprise progressive des activités quotidiennes après le coup d’arrêt consécutif à l’irruption du Covid-19 ici et là. Ainsi, dans la sous-région ouest-africaine, le Ghana et le Nigéria sont sortis du confinement général. Le Mali a totalement levé le couvre-feu. Le Libéria annonce la réouverture des lieux de culte ; et le Bénin, la reprise des activités pédagogiques. En Europe, des pays comme la France, l’Allemagne et l’Espagne vont vivre, à partir de ce lundi, un retour graduel à la normale, en croisant les doigts pour que le pire de la pandémie soit derrière eux.

Manque de cache-nez

Au Burkina, la maladie a créé plus de peur que de mal pour l’instant. En effet, à la date du 9 mai, soit 2 mois après l’apparition des 2 premiers cas, 748 personnes au total ont été contaminées ; 569 ont été guéries et 48 sont décédées. Par ailleurs, on note une baisse tendancielle des contaminations qui fait penser que le pic de la maladie est passé, même si avec ce virus mutant il ne faut jurer de rien. Un rebondissement des infections n’est pas à exclure. On a l’exemple du Japon où les écoles, à peine rouvertes, ont été refermées pour cause de résurgence de la maladie dans le corps enseignant. En Corée du Sud, de nouveaux foyers de contamination ont été signalés, faisant craindre une nouvelle vague d’éruption de la maladie.

Mais cette évolution imprévisible du Covid-19 n’explique pas à elle seule les reports successifs de la reprise des cours dans nos écoles, lycées, universités et centres de formation professionnelle. En vérité, cette nouvelle rentrée des classes est une équation à multiples inconnues où se mêlent problèmes logistiques, revendications syndicales et disponibilité du nerf de la guerre, l’argent. Une équation des plus corsées donc pour le ministre de l’Éducation nationale, de l’alphabétisation et de la promotion des langues nationales (MENAPLN), Stanislas Ouaro, tout docteur en mathématiques qu’il est. On aura compris, d’après sa dernière sortie médiatique, que ce dernier report de la reprise (même partielle) des cours a été dicté par un impératif logistique : il n’y a pas suffisamment de masques pour les élèves et les enseignants qui devraient reprendre le chemin de l’école ce 11 mai.

Le MENAPLN n’en dispose que de 600.000 pour un public cible de 800.000 personnes. Le gouvernement s’est vu alors dans l’obligation de repousser la rentrée de 3 semaines avec l’espoir que les ateliers commis à la confection des fameux masques ou cache-nez  pourront combler le gap des 200.000 qui manquent. Quand on sait que pour l’ensemble du monde éducatif il faut 12 millions de masques, si à la date du 9 mai le MENAPLN en a moins d’un million, on se dit que ce n’est pas pour demain le retour en classe de tous les élèves burkinabè.

“Ouaroter”, le néologisme burkinabè

Qu’en est-il de l’équipement des écoles en dispositifs de lave-mains ? Comment résoudre par ailleurs le problème de distanciation sociale dans des classes aux effectifs pléthoriques, où une table-banc est partagée par 3, voire 4 élèves ? Et on n’oublie pas les revendications syndicales du corps enseignant pour lequel les rétentions ou coupures de salaires, le prélèvement de l’IUTS sont des motifs de fronde sociale. Dur dur sera-t-il pour le gouvernement de réunir les conditions optimales de sécurité sanitaire pour une reprise rapide des cours.

Pendant donc que Ouaro le mathématicien se triture les méninges pour résoudre cette équation de la rentrée à multiples inconnues, les parents d’élèves craignent l’année blanche. Après que les universités publiques ont été mises sens dessus dessous si bien qu’on ne sait plus quand commence l’année universitaire et quand elle s’achève, les lycées et collèges vont-ils leur emboîter le pas dans cette descente aux enfers du dérèglement chronique des activités pédagogiques ?

Depuis 2000, on n’a jamais été aussi proche d’une année blanche, et le gouvernement s’est compliqué la tâche en voulant offrir gratuitement un masque à chaque élève, étudiant et enseignant avant la reprise des cours. Pis, il a centralisé la confection de ces masques. Si l’on comprend la volonté de garantir au monde éducatif de bonnes conditions de protection contre le Covid-19, on admet moins la centralisation outrancière de la confection des masques dans quelques ateliers de couture.  

Gageons que le ministre Ouaro ne va pas jeter l’éponge dans la résolution de cette difficile équation! Il a beau avoir écorné son  image de technocrate  réfléchi à force de se dédire sur cette question de la reprise des enseignements, il n’en demeure pas moins que les administrations des écoles et des universités ont fait leur rentrée depuis le 4 mai et que les classes à faibles effectifs du supérieur pourraient regagner les amphis cette semaine. 

Quant aux méchantes langues qui ont forgé les néologismes « Ouaroter »  et « Ouaromètre » pour se moquer  des difficultés de  Stanislas Ouaro à garder de la constance dans ses annonces sur la reprise scolaire, on aimerait les voir à la place du ministre. Qui a dit que « la critique est aisée, mais l’art est difficile ? ».

Source : L’Observateur Paalga




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