Jamais les écosystèmes naturels n’ont été autant dégradés. C’est le constat fait lundi 17 juin à Ankara, en Turquie, où la journée mondiale de lutte contre la désertification a été célébrée cette année. Les populations des pays du Sahel sont bien sûr les plus touchées par la dégradation des terres, avec la réduction des ressources en eau et alimentaires. Conséquence : le phénomène accélère le déplacement des populations dans les régions concernées, comme l’explique la chercheuse Mariam Akhtar-Schuster. Elle mène depuis 1988, des recherches sur la désertification en Afrique. « Naturellement, il y a un lien. Un cultivateur qui n’arrive plus à planter parce que la terre est dégradée, il n’a plus d’eau, ne va pas réfléchir deux fois avant d’aller dans la prochaine grande ville pour chercher d’autres moyens de survie. Et si cela ne s’améliorait pas, il va migrer un peu plus loin », explique-t-elle.
Mariam Akhtar-Schuster codirige une commission indépendante d’experts qui conseille les Nations unies sur le sujet. Et pour elle, la dégradation des terres est incontestablement la source de certaines migrations. « Des études de terrain en Afrique de l’Ouest, par exemple, ont prouvé que si la terre dans une zone perd ses capacités ou produit moins, le peu de ressources qui reste est source de conflits. C’est tout à fait normal, tout le monde veut vivre. Et si ce conflit demeure ou devient grand, les gens n’ont plus d’autres choix que de migrer », prévient la chercheuse. C’est déjà le cas dans certaines régions du Sahel et dans la corne de l’Afrique. Dans les pays du Sahel, 7 personnes sur 10 vivent encore en milieu rural, des zones souvent arides ou semi-arides.
Dans ces zones, 95% de la population exploitent des terres lessivées ou dégradées et sont souvent confrontés à des conflits liés à des ressources. « Au Darfour, c’était un conflit lié à la terre, l’eau et les pâturages. Les gens se battaient pour contrôler les pâturages. Dans un pays comme le Nigéria, ce que nous ne disons pas beaucoup, c’est que des conflits liés à l’accès à la terre et à l’eau font plus de victimes que le groupe terroriste Boko haram. Restaurer les terres amène la stabilité dans nos pays », argumente Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies pour la lutte contre la désertification. Raison pour laquelle, il appelle les États à s’investir dans la lutte contre la désertification en menant notamment des travaux de restauration dans les régions concernées.
Deux milliards d’hectares de terre sont dégradés dans le monde, du fait des activités humaines et du réchauffement climatique.
KOSSIVI TIASSOU pour Dw.com