Avec 6 guérisons et 1 décès pour ses 7 cas, la Mauritanie n’a plus de malade de Covid-19 depuis le 18 avril. La riposte a commencé avant la confirmation du premier patient et s’est renforcée avec des restrictions. La précocité des mesures prises par les autorités et la mobilisation citoyenne semblent avoir été les facteurs décisifs qui ont stoppé la propagation de la maladie dans le pays qui, à ce jour, est le seul d’Afrique à avoir réussi à se débarrasser de la pandémie.
Pour expliquer ce succès, les spécialistes qui travaillent dans la riposte rappellent que le gouvernement avait activé le comité interministériel de veille dès le 28 janvier 2020, longtemps avant le premier cas qui s’est déclaré dans le pays au mois de mars. « Les autorités sanitaires ont donc commencé par évaluer le risque de propagation en Mauritanie compte tenu de certains facteurs que sont le virus qu’on a du mal à circonscrire, la transmission qui est interhumaine et donc très rapide et la faible capacité des tests de diagnostics au début », indique Kelly Mamadou, virologue à l’Institut national de recherche en santé publique (INRSP).
Au fil des interventions à la télévision et sur les réseaux sociaux, les autorités sanitaires avaient alors présenté un plan de préparation et de riposte pour anticiper sur la prise en charge. Selon un cadre du ministère de la Santé, cela s’est matérialisé dans un premier temps par une attention particulière à la situation de la maladie à l’international où on a vu des techniciens de la santé s’indigner de la réaction tardive de leurs gouvernements.
Un programme de sensibilisation pour informer la population a alors été engagé. Et avec l’apparition des premiers cas dans les pays frontaliers, le comité interministériel de veille est passé d’une à 3 réunions par semaine. Les mesures aux points de passages frontaliers ont été renforcées. Le personnel de santé et des outils ont été déployés.
Ainsi, fait remarquer Sidi Mohamed Abdel Aziz, médecin et membre de l’équipe de riposte, la Mauritanie a pris certaines dispositions de prévention avant même la détection du premier cas au mois de mars 2020. Pour cela, l’INRSP a vu son laboratoire de virologie renforcé pour être en mesure d’assurer le diagnostic moléculaire du Covid-19. Cela s’est fait avec le concours de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). « Une fois cette étape passée, c’était au tour des équipes d’intervention rapide d’être mises à niveau avec pour rôle l’identification des cas, le suivi des cas contacts, etc. Par ailleurs, un centre d’appel avec un numéro vert a été mis en place », indique Sidi Mohamed Abdel Aziz.
Analysant ce dispositif préventif, Kelly Mamadou rappelle que les pays durement touchés par le virus, en Europe notamment, l’ont été pour beaucoup à cause de la contamination communautaire. « On ne pouvait donc pas se permettre d’avoir une propagation des cas communautaires, avec les ressources humaines et matérielles limitées que nous avons », dit-il.
Stratégie
La stratégie a consisté à mettre en place l’outil « définitions des cas », avec des éléments qui permettent de porter un diagnostic. Ceci consistait à apprendre à détecter les cas suspects. « Ensuite, la cellule de coordination dite comité interministériel a permis de mettre en place des centres d’isolement, la mobilisation des ressources humaines et matérielles à l’aube de la détection du premier cas », résume le virologue. Estimant que les méthodes ainsi mises en œuvre par les autorités ont « sauvé » le pays d’une contagion communautaire.
Après l’apparition du premier cas dans le pays, les mesures se sont progressivement renforcées. Outre la fermeture des frontières du pays, écoles, restaurants et marchés ont également été fermés. Un couvre-feu instauré et les rassemblements interdits, y compris la prière collective du vendredi. Les déplacements entre les différentes régions du pays ont été interdits.
Cette stratégie a été dictée parla faiblesse des ressources humaines en cas d’explosion du nombre de malades. Selon l’Ordre national des médecins, pharmaciens et chirurgiens-dentistes, le pays compte 691 médecins généralistes et spécialistes pour 4 millions d’habitants. Ce qui fait un ratio de l’ordre d’un médecin pour 5.789 habitants.
Tabara Mbodj, présidente de l’ONG Aiser qui soutient les enfants de la rue, affirme que « les mesures semblaient disproportionnées au début. Mais, au fil du temps, on s’est rendu compte que c’était un mal nécessaire ». Elle en appelle au renforcement de la solidarité et des programmes d’accompagnement pour soutenir les plus démunis qui vivent mal le couvre-feu et la fermeture des commerces.
Même s’il n’y a plus de cas de Covid-19, Sidi Mohamed Abdel Aziz rappelle que la prudence doit rester de mise et que la distanciation sociale demeure « une attitude extrêmement nécessaire » pour éviter une résurgence de la maladie.
SOULEYMANE DJIGO