Les choses devraient aller vite. Vendredi 23 novembre 2018, dans son communiqué, l’Élysée avait précisé que ces restitutions se feront « sans tarder ». Le projet est symbolique : Emmanuel Macron s’engageait ce soir-là à rendre au Bénin des œuvres emportées en 1892 par le Général français Alfred Amédée Dodds, après sa victoire sur le roi Béhanzin. Ces pièces, hébergées au musée du Quai Branly, sont réclamées depuis 2016 par Cotonou. Mais 7 mois après, le dossier semble être au point mort. Aucun calendrier n’est annoncé. « Les modalités de mise en œuvre de la décision du président de la République ne sont pas encore définies », concède-t-on au musée du Quai Branly.
De source diplomatique française, on assure pourtant que la procédure suit normalement son cours. Une mission conjointe des ministères de la Culture et des Affaires étrangères s’est rendue au Bénin début avril pour rencontrer les ministres concernés par ce dossier ainsi que l’ensemble des services béninois en charge de la politique muséale et patrimoniale. La mission s’est rendue à la fois à Cotonou, Abomey et Ouidah.
Quelques jours auparavant, une mission de l’Agence française de développement (AFD) avait également fait le déplacement pour évaluer la demande formulée par les autorités béninoises d’un soutien à la construction à Abomey du musée de l’épopée des Amazones et des rois de Dahomey. Un lieu susceptible d’accueillir les œuvres restituées.
En parallèle, plusieurs ministères français – dont en premier lieu celui de la Culture – travaillent depuis des mois sur le cadre juridique qui permettra ces restitutions. L’idée suggérée en novembre dernier par Felwine Sarr était celle d’un dépôt à long terme de ces œuvres, avant qu’une loi ne rende définitives ces restitutions. Cette solution a-t-elle été retenue ? Difficile de répondre. Mais en promettant des restitutions rapides, la Présidence française semblait acter le fait que celles-ci se feraient sans attendre le vote de la loi. Or, la définition du cadre juridique semble prendre plus de temps que prévu. Paris souhaite obtenir des garanties sur les conditions d’accueil de ces œuvres.
C’est peut-être là la source du problème. Des responsables du ministère français de la Culture se seraient plaints en privé de n’avoir pas d’interlocuteur au Bénin. Ce qui inquiète Marie-Cécile Zinsou, la présidente de la Fondation Zinsou : « Est-ce que le Bénin est vraiment intéressé par les œuvres ? Et est-ce qu’ils comprennent bien l’enjeu que c’est pour la population d’avoir accès à ces œuvres ? Et est-ce que nos hommes politiques sont vraiment en train de se préoccuper de la question ? », s’interroge l’historienne de l’art. « Aujourd’hui, en tant que Béninoise c’est une question que je me pose et j’espère que le gouvernement va savoir répondre à cette question », souhaite-t-elle.
L’attitude de Paris dans ce dossier interpelle également. Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, a eu beau assurer, fin mai, devant les députés de la Commission des Affaires étrangères, que la « volonté politique (était) là ». Certains acteurs s’interrogent désormais quant à la détermination de Paris sur ce dossier. Le CRAN (Conseil représentatif des associations noires) de France compte d’ailleurs publier une tribune dans les prochains jours pour rappeler son engagement au président français.
PIERRE FIRTION pour RFI