Search
jeudi 25 avril 2024
  • :
  • :

Accélérer la marche vers une Banque centrale africaine

Face aux replis protectionnistes un peu partout dans le monde, l’Union africaine (UA) veut accélérer le chantier de l’intégration monétaire, notamment par la création d’une Banque centrale africaine et d’une monnaie unique à l’horizon 2045. Un parcours épineux.

Une monnaie unique, une Banque centrale et un Fonds monétaire africains. Ce sont là quelques projets du gigantesque chantier annoncé par l’UA pour parachever l’intégration financière du continent à l’horizon 2045. Ces projets n’ont rien de nouveau en eux-mêmes, puisqu’ils sont « dans les tuyaux » depuis 2005. La nouveauté est qu’aujourd’hui, l’UA veut accélérer le processus.

Changement de contexte oblige. « Au cours des dernières années, l’environnement économique et financier a évolué rapidement, pour ne pas dire a été profondément bouleversé, sur le plan international », expliquait Victor Harison, le commissaire aux affaires économiques de la Commission de l’UA, à l’ouverture de la réunion ordinaire de l’Association des Banques centrales africaines (ABCA), le 13 mars 2019 à Dakar. Réunion dont l’ordre du jour était essentiellement axé sur la création d’une Banque centrale africaine. 

Plus précisément, la création d’institutions panafricaines visant à renforcer la stabilité macroéconomique et à contribuer au financement du développement est d’autant plus nécessaire que l’économie mondiale est, selon Victor Harison, « de plus en plus marquée par l’incertitude due, entre autres éléments, à la montée du protectionnisme et au nationalisme économique, avec les nouvelles orientations politiques dans certains pays, à l’émergence de nouveaux enjeux géopolitiques, aux crises financières, au risque élevé de surendettement et à la forte volatilité de la croissance et des prix des produits de base ». 

Face à cet environnement incertain, où les règles du jeu sont clairement en train de changer, il est devenu urgent pour la Commission de l’UA et l’ABCA de « renforcer leur collaboration » pour traduire dans la réalité le projet de création de la Banque centrale africaine, qui est une « clé de voûte » de l’intégration du continent. 

Des critères de convergence à amender 

Déjà lors de la troisième session du Comité technique spécialisé de l’UA sur les finances, les affaires monétaires, la planification et l’intégration économiques, tenue du 6 au 8 février 2019 à Yaoundé, au Cameroun, le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki Mahamat, avait exhorté les pays africains à accélérer la création de ces institutions financières afin de garantir le succès de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA). 

Seulement, la signature et la ratification des instruments juridiques des institutions financières panafricaines avancent à un rythme trop lent. La rencontre de Yaoundé s’est soldée par une série de recommandations afin de déterminer les causes de ces lenteurs et de développer une stratégie visant à accélérer le processus et de réviser les échéances pour la création de la Banque centrale africaine, en se référant au rapport de l’ABCA sur l’affinement des critères de convergence du Programme de coopération monétaire. Ce, afin de parvenir « le plus rapidement possible » à un consensus et à proposer un calendrier pour leur mise en œuvre. 

D’autre part, les ministres en charge des finances, des affaires monétaires, de la planification et de l’intégration des pays membres de l’UA exhortent l’ABCA à inclure le PIB par habitant comme critère secondaire dans le programme de convergence macroéconomique, et approuvent que l’examen par les pairs soit entrepris conjointement par la Commission de l’UA et le Secrétariat de l’ABCA. L’objectif est de parvenir à un calendrier qui permet d’aller vers une convergence macroéconomique dans les meilleurs délais. 

Concernant ces critères de convergence, les projections de l’ABCA tablent sur une inflation inférieure ou égale à 3% d’ici à 2038 et un déficit budgétaire global inférieur ou égal à 3% d’ici à 2033.

Quant au ratio de financement de la Banque centrale au gouvernement, il devrait être nul d’ici à 2038 et chaque pays devait disposer de réserves de change qui couvriront au moins 6 mois d’importation d’ici à 2038 ; le ratio dette publique/PIB doit être inférieur à 65% ; un ratio recettes fiscales totales/PIB serait supérieur à 20%. 

Loin de la coupe aux lèvres 

D’autres critères sont avancés. Par exemple, le rapport entre les investissements en capital du gouvernement et les recettes fiscales doit être supérieur à 30% et la stabilité du taux de change nominal à plus ou moins 10% de variation.

Pour le moment, seuls 18 pays remplissent ces critères. Autant dire que la création d’une Banque centrale africaine est « plus facile à dire qu’à faire », reconnaît Tarek Amer, président de l’ABCA et gouverneur de la Banque centrale d’Égypte. « Le mal qui nous touche tous, c’est notre incapacité à nous entendre sur les critères de convergence », rappelait-il, lors de la réunion de Dakar, plaidant pour une plus grande indépendance des Banques centrales africaines. 

En avril, une délégation de la Commission de l’UA a entamé des discussions avec la Banque centrale du Nigéria concernant l’Institut monétaire de l’UA. 

Constatant que depuis l’adoption des instruments juridiques du Fonds monétaire africain (AMF), de la Banque africaine d’investissement (AIB), le nombre de signatures et de ratifications reste faible pour que ces instruments puissent entrer en vigueur, la Commission de l’UA a soumis un questionnaire aux États membres pour connaître les facteurs explicatifs de ce faible engouement, et recueillir également leurs points de vue et idées sur la création de la Banque centrale africaine, expliquait Victor Harison lors de la réunion de Dakar.

La Commission devrait nommer un envoyé spécial chargé de suivre et accélérer le processus de ratification des institutions financières panafricaines.

SEYDOU KA




Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *