Aujourd’hui dans le monde, on estime à 40 millions le nombre de personnes qui consomment ou ont consommé des cigarettes électroniques (e-cigarettes). Les enjeux sanitaires et commerciaux sont ainsi prégnants. Les enjeux scientifiques semblent l’être tout autant. En février 2019, deux chercheurs de l’Université de San Francisco, Stanton Glantz et Dharma Bhatta, avaient déclaré dans la très respectée revue Journal of American Heart Association que la « vape » (usage de la cigarette électronique) était un facteur de risque accru d’infarctus du myocarde. Leurs recherches sont régulièrement utilisées par des experts de santé publique ainsi que des agences internationales de régulation du tabac.
À la suite de la publication des résultats de leurs études, plusieurs experts s’étaient insurgés et avaient exigé une contre-expertise. Huit mois plus tard, le même journal s’est rétracté en publiant un nouvel article qui a soulevé des questionnements sur les fondements des analyses des deux chercheurs.
Les deux universitaires n’avaient, semble-t-il, pas pris en considération les évènements qui ont eu lieu entre les crises cardiaques survenues et le moment où les patients ont débuté la vape. De nombreux scientifiques ont, par ailleurs, souligné des erreurs de chronologie. Un chercheur du nom de Raymond Niaura, qui a participé à la réévaluation de ces études, a affirmé quelques mois plus tard : « Nous n’avons trouvé aucune relation entre vapotage et crise cardiaque. Nous ne sommes tout simplement pas en mesure de répondre à la question fondamentale de ce qui est survenu en premier ». Pour Brad Rodu, professeur à l’Université de Louisville, le rapport de Glantz et Bhatta est « faux et invalide ».
Une contre étude a donc été menée. Financée à hauteur de 20 millions de dollars par la FDA (Food and Drug Administration) qui autorise ou non la commercialisation des médicaments aux États-Unis, les nouveaux résultats ont finalement indiqué que les patients qui ont été victimes d’une crise cardiaque étaient des fumeurs de cigarettes traditionnelles, et avaient eu, en moyenne, des problèmes cardiaques dix ans avant d’être adeptes de la vape.
Ce rétropédalage semble anecdotique. Cependant, il démontre les enjeux liés à ces nouveaux produits du tabac qui ne font pas l’unanimité. Nombreux sont ceux, à l’instar de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), qui sont opposés à l’utilisation des cigarettes électroniques en tant qu’alternatives à la réduction de la nocivité liée au tabac.
Néanmoins, de plus en plus d’autorités relativisent cette nocivité. C’est le cas, entre autres, de Public Health England (le Département de Santé Publique en Angleterre) qui affirme que le risque de maladies diminue de 95% avec la cigarette électronique.
Malgré les résultats scientifiques qui prouvent une réduction de la nocivité des nouveaux produits du tabac tels que la cigarette électronique ou le tabac chauffé, l’industrie du tabac désespère de se faire une place à la table des discussions.
La nécessité d’un dialogue transparent et inclusif pour enrayer le fléau du tabagisme
La question de la réduction de la nocivité du tabac est une question de santé publique. Par conséquent, elle nécessite une sérénité et un discernement nécessaires à des discussions apaisées et des résultats efficients pour les consommateurs. Pourtant, ce n’est pas encore le cas.
En février dernier, Moira Gilchrist, scientifique et Vice-Présidente du département communication stratégique et scientifique de Philip Morris International (PMI), s’est d’ailleurs vue refuser l’accès à un débat sur les e-cigarettes et la question de la nocivité. Organisé par Vital Strategies qui lutte contre les problèmes de santé publique au niveau mondial, PMI a immédiatement réagi à ce refus, preuve que l’industrie du tabac n’est pas encore la bienvenue à la table des discussions.
Moira Gilchrist a indiqué qu’il devenait urgent de baser les recommandations sur la science et la transparence et ainsi inclure l’industrie du tabac qui s’attèle à trouver des alternatives à la cigarette : « Le dialogue sur la consommation de tabac est urgent et toutes les voix doivent être entendues comme c’est le cas lorsqu’il s’agit de relever les défis environnementaux et sanitaires. Nous voulons avoir l’opportunité de nous exprimer et d’être entendus par les décideurs et les leaders d’opinion. Ils doivent entendre que la science peut aider à traiter un problème de santé publique et faire la différence pour des millions de fumeurs à travers le monde ».
La question peut se poser en effet : est-ce possible de trouver des solutions pour lutter contre la nocivité du tabac sans inclure ceux qui sont partie prenante du sujet ? « Depuis des années on demande à l’industrie du tabac de développer des produits moins nocifs. Aujourd’hui les progrès de la science et de la technologie ont rendu cela possible. PMI a investi plus de 7 milliards de dollars en recherche, développement, production et commercialisation de ces nouveaux produits. D’ici à 2025, nous voulons qu’au moins 40
millions de femmes et d’hommes abandonnent la cigarette conventionnelle et adoptent nos produits sans fumée », poursuit Moira Gilchrist.
Les opposants et ceux en faveur de ces nouveaux produits du tabac partagent, néanmoins, un point de convergence, préalable aux discussions : l’arrêt total du tabac reste la meilleure solution.
SEYNABOU SALL